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Le Conseil d’Etat statue sur la qualification de « menace grave pour la société française » invoquée par l’OFPRA pour refuser ou mettre fin au statut de réfugié.

 

(Conseil d'État, 5 avril 2024, n°469816)

 

Vendredi 5 avril 2024, la deuxième chambre du Conseil d’Etat a rendu un arrêt confirmant qu’un réfugié ne représentait pas de « menace grave pour la société française » étant donné qu’après sa sortie de prison il ne « s’était signalé […] par aucun comportement répréhensible et avait, au contraire, manifesté sa volonté de s’intégrer dans la société française ».

 

Dans le cas de l’espèce, M. B., ressortissant russe né en 1996, a obtenu le statut de réfugié par une décision de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (ci-après l’OFPRA) du 14 octobre 2015.  Cependant, celui-ci a été condamné en juillet 2017 à une peine de cinq ans de réclusion criminelle pour des faits commis en 2012 de violence volontaire sur mineur de moins de 15 ans ayant entrainé la mort sans intention de la donner.

C’est en conséquence de cette condamnation que le directeur général de l’OFPRA a mis fin au statut de réfugié de M. B. par une décision du 23 octobre 2020. La Cour nationale du droit d’asile (ci-après la CNDA) ayant fait droit à sa demande d’annulation de la décision de l’OFPRA, l’Office se pourvoyait en cassation devant le Conseil d’Etat afin que ce dernier annule la décision de la CNDA.  

 

En premier lieu, le Conseil d’Etat constate que la décision de l’OFPRA mettant fin au statut de réfugié de M. B. a été prise sur le fondement du 2° de l’article L. 511-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile selon lequel « Le statut de réfugié est refusé ou il y est mis fin dans les situations suivantes : (...) 2° La personne concernée a été condamnée en dernier ressort en France, (...) soit pour un crime, soit pour un délit constituant un acte de terrorisme ou puni de dix ans d'emprisonnement, et sa présence constitue une menace grave pour la société française ». La Haute juridiction en déduit que la possibilité de refuser ou de mettre fin au statut de réfugié implique la réunion de deux conditions cumulatives : d’une part, l’intéressé doit avoir fait l’objet de l’une des condamnations visées à l’article L. 511-7 et d’autre part, sa présence sur le territoire français doit être de nature à constituer une menace grave pour la société « de nature à affecter un intérêt fondamental de la société ».

Dans l’analyse de cette potentielle menace, le Conseil d’Etat prend en compte l’infraction pénale commise précédemment par l’intéressé, les circonstances dans lesquelles elles ont été commises, mais également le temps écoulé depuis la commission de l’infraction et la date d’examen de la demande ainsi que le comportement de l’intéressé pendant cette période. Ainsi, le Conseil d’Etat entérine ici le principe selon lequel les infractions pénales commises ne sauraient à elles seules justifier légalement une décision de refus ou de fin du statut de réfugié. 

 

Concernant la situation de l’espèce, la CNDA a annulé la décision de l’OFPRA mettant fin au statut de réfugié de M. B. après avoir relevée que si la première condition posée par le 2° de l’article L. 511-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile était remplie en raison de la condamnation de M. B. en 2017, la deuxième condition n’est en l’espèce pas remplie. La Cour s’est en effet basée sur le fait que M. B. a bénéficié d’un suivi psychologique en prison et qu’il n’avait, pendant ou après sa libération, fait l’objet d’aucun comportement répréhensible, mais qu’il avait au contraire manifesté une forte volonté d’intégration. En effet, M. B. a, pendant sa détention, appris le français, en suivant plusieurs formations et a également validé plusieurs certificats de qualification professionnelle et cherche, depuis sa libération, à s'insérer sur le plan professionnel. Ces différents éléments n’ont pas permis à la CNDA de considérer M. B. comme une « menace pour la société » française. Pour le Conseil d’Etat, la Cour nationale du droit d'asile n'a alors pas dénaturé les faits de l'espèce, ni commis d’erreur de droit en maintenant M.B. dans son statut de réfugié. 

Le Conseil d’Etat valide ainsi la décision de la CNDA considérant que c'est à tort que le directeur général de l'OFPRA avait considéré que la présence de M. B. en France constituait une menace grave pour la société française. 

 

Le Conseil d’État montre dans cette décision une grande attention portée aux justifications de l’OFPRA dans ses décisions de refus, de mettre fin ou de retrait du statut de réfugié, obligeant ainsi cet Office à prendre sérieusement en considération les faits de l’espèce. 

 

GAJDA Justine

M2 DEDH

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