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Impossible exécution d’une demande d’extradition lorsque subsistent des ambiguïtés quant à l’éventuelle application de la peine de mort

 

(Cour de cassation, chambre criminelle, 30 janvier 2024, n°23-83.549)

Dans un arrêt rendu le 30 janvier 2024, la chambre criminelle de la Cour de cassation met l’accent sur l’absence d’ambiguïté que doit nécessairement revêtir l’engagement pris par un État de non-application de la peine de mort d’une personne dont il demande l’extradition. 

 

En l’espèce, un homme, poursuivi pour homicide involontaire avec préméditation en Tunisie, a fait l’objet d’une demande d’extradition. À cet égard, la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence ordonne un supplément d’information visant à obtenir des autorités tunisiennes leur engagement à ne pas exécuter la peine de mort dans le cas où celle-ci serait prononcée à l’encontre de la personne réclamée. 

Supplément d’information obtenu, ladite chambre de l’instruction rend, le 31 mai 2023, un avis favorable à la demande d’extradition litigieuse. Elle considère en effet que les assurances fournies par les autorités tunisiennes permettent de conclure qu’une condamnation à mort, même si elle est prononcée, ne sera pas appliquée dès lors qu’aucune personne condamnée à mort n’a effectivement été exécutée depuis plus de trente-deux ans et dès lors que la Tunisie s’est engagée internationalement à ne pas appliquer cette peine après avoir levé les réserves qu’elle avait initialement formulées concernant le deuxième Protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort. 

L’individu réclamé, considérant notamment que les garanties fournies par les autorités tunisiennes de non-application de la peine de mort à son égard ne sont ni précises ni effectives, introduit un pourvoi devant la Cour de cassation.  

 

Cette dernière est donc amenée à s’interroger sur la suffisance du complément d’information produit par les autorités tunisiennes, soit sur la teneur que doivent revêtir les garanties fournies par un État requérant une demande d’extradition de non-application de la peine de mort à la personne en faisant l’objet pour que puisse être délivré un avis favorable à l’exécution de cette demande.

 

Au visa des articles 3 de la Convention européenne des droits de l’homme et 696-15 du Code de procédure pénale, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence. Elle considère que ladite chambre a privé son arrêt des conditions essentielles de son existence légale dès lors qu’elle s’est appuyée sur des considérations générales tenant à l’absence d’exécution des condamnations à mort depuis plus de trente-deux ans en Tunisie et aux engagements internationaux de cette dernière, qu’elle a elle-même qualifiés de « symboliques », pour en déduire que les autorités tunisiennes n’appliqueraient pas la peine de mort si celle-ci devait être prononcée à l’égard du requérant.

 

Ce faisant, la Cour de cassation instaure un certain standard d’effectivité que doivent revêtir les garanties fournies par l’État requérant permettant de s'assurer que la personne réclamée n'encourt pas le risque de se voir appliquer une peine contraire à l'ordre public français. En effet, ce n’est que lorsque l’État requérant a pris l’engagement « dénué de toute ambiguïté » que la peine de mort ne sera pas appliquée à la personne réclamée qu’une chambre de l’instruction pourra émettre un avis favorable à une demande d’extradition, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

 

Juliette Richard

M1 DEDH

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