top of page

Droit au regroupement familial des MNA réfugiés : inconséquence de l’atteinte de la majorité lors de la procédure de regroupement familial sur l’exercice de ce droit

 

(CJUE, GC, 30 janvier 2024, aff. C-560/20)

Le présent arrêt a été rendu par la Grande Chambre de la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après « CJUE » ou « Cour de justice ») le 20 janvier 2024. Cet arrêt traite d’une demande de décision préjudicielle portant sur l’interprétation de dispositions de la Directive 2003/86/CE relative au droit au regroupement familial. 

En l’espèce, un mineur non accompagné (ci-après « MNA »), né le 1er septembre 1999, est arrivé en Autriche le 31 décembre 2015, où il s’est vu reconnaître le statut de réfugié le 2 février 2017 après avoir introduit, le 8 janvier 2016, une demande de protection internationale. 

 

À la suite de cette décision, les parents ainsi que la sœur majeure du requérant ont introduit, auprès de l’ambassade de la République d’Autriche en Syrie, des demandes d’entrée et de séjour en Autriche, sur le fondement du droit au regroupement familial. Le 29 mai 2018, les demandes d’entrée et de séjour ont été rejetées, au motif que le requérant, mineur au moment de l’introduction des demandes, était devenu majeur pendant la procédure de regroupement familial.

Après avoir introduit devant le chef du gouvernement du Land de Vienne des secondes demandes d’entrée et de séjour, elles furent rejetées au motif qu’elles n’auraient pas été introduites dans le délai imparti.

 

Ces décisions furent contestées devant le tribunal administratif de Vienne, juridiction de renvoi devant la CJUE. Par ses questions préjudicielles, la juridiction de renvoi demande tout d’abord si l’article 10, paragraphe 3, sous a), de la directive 2003/86 doit être interprété en ce sens qu’il impose aux ascendants directs de premier degré (« les parents ») d’un réfugié d’introduire dans un délai déterminé la demande d’entrée et de séjour aux fins du regroupement familial, lorsque ce réfugié est mineur à la date d’introduction de cette demande mais devient majeur au cours de la procédure. 

De plus, la juridiction s’interroge sur le point de savoir si l’article 10, paragraphe 3, sous a), de la directive 2003/86 doit être interprété comme obligeant l’octroi d’un titre de séjour à la sœur majeure d’un réfugié MNA, ressortissante d’un pays tiers et qui, en raison de son état de santé, dépend de l’assistance de ses parents, lorsque le refus d’accorder ce titre de séjour aboutirait à une privation du droit au regroupement familial.

 

Finalement, elle demande si le respect des conditions matérielles d’existence, conditionnant le droit au regroupement familial aux dispositions de l’article 7 de la directive 2003/86, doit également être exigé au titre de l’article 10, paragraphe 3, sous a), de cette directive. À cet égard, elle s’interroge si l’exigence du respect de ces conditions dépend du point de savoir si la demande de regroupement familial a été introduite dans le délai prévu à l’article 12, paragraphe 1, troisième alinéa, de ladite directive.

La Cour de justice répond aux questions préjudicielles à la lumière du droit au regroupement familial, qui est reconnu par la Charte des Droits fondamentaux de l’Union européenne, par une lecture combinée des articles 7, garantissant le droit au respect de la vie privée ou familiale et 24, obligeant les Etats membres à prendre en considération l’intérêt supérieur de l’enfant, notamment la nécessité pour un enfant d’entretenir des relations personnelles avec ses parents. 

 

Premièrement, elle estime nécessaire d’interpréter les dispositions de l’article 10, paragraphe 3, sous a), de la directive 2003/86 comme n’imposant pas, aux parents du mineur réfugié, le respect d’un délai pour introduire une demande d’entrée et de séjour afin de rejoindre leur enfant dans l’Etat membre concerné. 

            De plus, la CJUE estime contraire avec l’objectif de l’article 10, paragraphe 3, sous a), de la directive 2003/86 le refus d’octroyer à la sœur du réfugié un titre d’entrée et de séjour, notamment en raison du caractère exceptionnel de la situation au principal. 

Finalement, la Cour de justice conclut que ne peut être opposé par les Etats membres le respect des conditions matérielles d’existence conditionnant l’exercice du droit au regroupement familial, sauf à le compromettre, ni au MNA devenu majeur lors de la procédure, ni à ses parents. 

 

En définitive, un MNA reconnu réfugié bénéficie du droit au regroupement familial afin que ses parents, accompagnés de sa sœur majeure dans certaines circonstances exceptionnelles, puissent le rejoindre dans l'État membre concerné, bien qu’il ait atteint la majorité durant la procédure. Cette interprétation s’impose afin de ne pas compromettre l’effet utile de la protection renforcée mise en place par le législateur européen. 

 

Clara Torchet-Dit-Renard

M1 DEDH

bottom of page