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La CJUE reconnaît que les femmes peuvent être considérées comme un groupe social et ainsi bénéficier de la protection internationale en cas de persécution fondée sur leur sexe

 

(CJUE, 16 janvier 2024, aff. C-621/21)

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 16 janvier 2024, a précisé les conditions pour bénéficier d’une protection internationale pour les femmes victimes de violences en raison de leur sexe. 

L’affaire concerne une ressortissante turque ayant introduit une demande de protection internationale en Bulgarie après avoir fui des persécutions. Elle aurait subi dans son pays d’origine un mariage forcé à l’âge de seize ans, des violences conjugales de la part de son époux, puis des menaces émanant de lui et sa famille suite à sa demande de divorce. Elle craignait pour sa vie en cas de retour en Turquie. Suite au rejet de deux demandes de protection internationale par l’administration, le juge bulgare, chargé d’examiner la conformité de ces décisions, saisit la CJUE à titre préjudiciel. Il interroge la Cour sur l’interprétation à donner à la directive 2011/95/UE, dite directive “Qualification” concernant le statut de réfugié. Plus spécifiquement, la juridiction de renvoi souhaite savoir si, en fonction des conditions prévalant dans leur pays d’origine, les femmes peuvent être considérées, dans leur ensemble, comme “un certain groupe social” susceptible de justifier la reconnaissance de leur statut de réfugié. Elle demande également des précisions sur la définition de “persécutions” à adopter dans ce contexte. 

 

La Cour interprète le concept de groupe social en le reliant à divers instruments internationaux. La Convention d’Istanbul d’abord, qui lie l’Union depuis 2023, et qui dispose que la violence à l’égard des femmes, fondée sur le genre, constitue une forme de persécution au sens de la Convention de Genève. Elle prend également en considération la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF), considérée comme un “traité pertinent” pour le développement de la politique d’asile de l’Union au sens de l’article 78 TFUE. 

 

Pour déterminer si les femmes peuvent former “un certain groupe social” au sens de la directive qualification, elle examine les deux conditions cumulatives posées par ladite directive. 

Premièrement, les femmes partagent une “caractéristique innée” et immuable, satisfaite par leur seule appartenance au sexe féminin. À cela peut également s’ajouter, pour les femmes ayant fui un mariage forcé ou des violences domestiques, une “histoire commune qui ne peut être modifiée” au sens de la directive. 

Deuxièmement, elles peuvent partager une caractéristique commune supplémentaire lorsque les normes sociales, morales ou juridiques de leur pays d’origine ont pour conséquence que ces femmes, en raison de cette caractéristique commune, sont perçues comme étant différentes par la société environnante. Les femmes refusant un mariage forcé peuvent être considérées comme ayant une identité propre dans leur pays d’origine lorsque cela les amène à subir une stigmatisation, les exposant à une exclusion sociale ou de la violence. 

 

Toutefois, comme pour toute demande de protection internationale, l’État doit procéder à une évaluation individuelle pour déterminer si les craintes personnelles de persécution invoquées par la requérante sont fondées. 

 

Ainsi, en fonction des conditions prévalant dans le pays d’origine, les femmes peuvent être reconnues comme appartenant à un groupe social spécifique au sens de la directive. 

 

La Cour conclut que les femmes peuvent être considérées comme appartenant à un certain groupe social en tant que motif de persécution lorsqu’elles sont exposées en raison de leur sexe à des violences physiques ou mentales dans leur pays d’origine, susceptible alors de conduire à la reconnaissance de leur statut de réfugié.

 

En l’absence de satisfaction des conditions requises pour le statut de réfugié, elles peuvent, à défaut, bénéficier de la protection subsidiaire, à la fois lorsqu’elles risquent d’être soumises à la torture ou à des traitements inhumains et dégradants, mais également en cas de menace réelle d’être tuées ou violentées par un membre de leur communauté en cas de transgression de normes culturelles, religieuses ou traditionnelles. 

 

Rachel Delamare

M1 DEDH

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