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GPA réalisée à l’étranger : la Cour de cassation reconnaît la filiation sans lien biologique tout en préservant l’ordre public français.

Cour de cassation, 14 novembre 2024, pourvoi n° 23-50.016

Le 14 novembre 2024, la Cour de cassation a jugé d’une part qu’ « aucun principe essentiel du droit français (n'interdit) la reconnaissance en France d'une situation établie à l'étranger qui ne correspondrait pas à la réalité biologique » (§12) et d’autre part « l'ordre public international français ne saurait faire obstacle à l'exequatur d'une décision établissant la filiation d'un enfant né à l'étranger à l'issue d'un processus de gestation pour autrui au seul motif que le parent concerné n'aurait pas de lien biologique avec l'enfant » (§16). 

 

Les faits de l’espèce concernaient une femme seule ayant eu recours à une gestation pour autrui (GPA) au Canada, avec un double don de gamètes, excluant ainsi tout lien biologique avec l’enfant. La Cour suprême de la province de Colombie-Britannique a reconnu cette femme comme seul parent légal de l’enfant, lui attribuant l’ensemble des droits parentaux à son égard (1e févr. 2021). Par la suite, la mère d’intention a demandé aux juridictions françaises de reconnaître cette décision et de lui faire produire les effets d’une adoption plénière dans l’ordre juridique français.

 

Le Tribunal judiciaire de Paris accorde l’exequatur et reconnaît la filiation de la mère d’intention avec l’enfant. La Cour d’appel de Paris, le 18 avril 2023 confirme la décision et précise que la filiation ainsi établie produira les effets d’une adoption plénière. 

 

Le procureur général forme un pourvoi en cassation au visa de l’article 16-7 du code civil qui pose l’interdiction de toute forme de gestation pour autrui (GPA) en France, en soutenant que la décision de la Cour d’appel de Paris est contraire à l’ordre public international français. 

 

Concernant la reconnaissance de la filiation de la mère d’intention en France, la Cour de cassation, s’appuyant sur l’article 8 de la Convention EDH et le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant rappelle qu’un Etat ne peut refuser purement et simplement de reconnaître une filiation établie à l’étranger du seul fait qu’elle résulte d’une GPA. Cela reviendrait à porter atteinte de manière disproportionnée au droit au respect de la vie privée de l’enfant.

 

Dans un second temps, la Cour de cassation juge qu’« aucun principe essentiel du droit français n’interdit la reconnaissance d’une filiation sans lien biologique » (§12). En effet, la Cour affirme que le droit français admet déjà les filiations sans lien biologique (§13-15). Par conséquent, l’ordre public international français ne s’oppose pas à la reconnaissance d’une filiation issue d’une GPA réalisée à l’étranger à l’égard d’un parent qui n’aurait aucun lien biologique avec l’enfant (§16). 

 

S’agissant de la reconnaissance des effets de l’adoption plénière en France, la Cour rappelle qu’une procédure d’exequatur d’un jugement étranger ne peut conduire à la révision de ce jugement dans l’ordre juridique français. En l’espèce, le jugement canadien n’était pas un jugement d’adoption mais une simple reconnaissance de filiation (§24).  

 

En déclarant que cette filiation produira les effets d’une adoption plénière au sein de l’ordre juridique français, la cour d’appel a outrepassé ses pouvoirs en modifiant les effets d’un jugement étranger en droit français. La Cour de cassation annule donc cette partie de l’arrêt, confirmant la reconnaissance de la filiation mais refusant qu’elle produise les effets d’une adoption plénière en France (§27-28)

 

Partant, la Cour de cassation casse et annule seulement en ce que le jugement canadien reconnaissant la filiation a produit les effets d'une adoption plénière en France, et rejette la demande de la mère d’intention tendant à voir le jugement canadien produire des effets d’adoption plénière en France. 

 

Cet arrêt illustre l’approche pragmatique de la Cour de cassation qui cherche un équilibre entre l’intérêt supérieur de l’enfant en assurant une situation juridique stable et le respect des principes fondamentaux du droit français en maintenant la distinction entre filiation et adoption plénière. 

Garance GUIGUE

M2 DEDH

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