

La Cour de cassation affirme que la liberté d’expression protège les propos insultant à l’encontre d’un maire en raison du contexte de campagne électorale.
Cour de cassation, 10 septembre 2024, n°23-83.666
Le 10 septembre 2024, la chambre criminelle de la Cour de cassation a rendu un arrêt concernant l’étendue de la liberté d’expression, notamment dans le cadre d’opinions politiques.
Le 29 juillet 2020 le maire de la commune d'Hénin-Beaumont s’est constitué partie civile du chef d’injure publique envers un citoyen chargé d’un mandat public du fait d’un commentaire publié par un militant syndicaliste à son encontre.
La publication, critique de la situation de crise du personnel municipal de la commune, comprenait notamment la phrase : « A douze ans d'intervalle, ce sont les mêmes méthodes. Les héninois ont échangé un autocrate corrompu pour un autocrate raciste au comportement de patron-voyou harceleur avec les agents. »
Le 5 juillet 2022 le tribunal correctionnel a déclaré le militant coupable du chef d’accusation, cependant ce jugement a été infirmé le 30 mai 2023 par la Cour d’appel de Douai qui a relaxé le militant estimant que ses paroles n'excèdent pas les limites admissibles de la liberté d’expression protégée par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH).
Le maire de la commune a alors formé un pourvoi à l’encontre de cet arrêt, avançant comme moyen que le caractère répréhensible des propos ne pouvait se justifier par le contexte de campagne électoral, étant donné que rien ne les lie au débat politique, et que le militant syndicaliste n’est pas candidat.
Afin de répondre à cette question, la Cour de cassation rappelle que même si le fait de qualifier quelqu’un de « raciste » est bien constitutif d’une insulte, l’article 10 de la CEDH protège la liberté d’expression, et l’appréciation de cette liberté doit se faire de manière plus souple si les propos s’inscrivent dans un débat d’intérêt général, et doit prendre en compte le contexte.
En l’espèce, pour la Cour, ce contexte est celui d’une campagne électorale du fait de l’intitulé du commentaire du prévenu, qui se présente comme un militant du parti communiste et syndicaliste, parti opposant au maire.
Si la Cour admet le caractère outrageant de ces propos, elle confirme toutefois l’arrêt de la Cour d’appel en affirmant qu’ils n’ont pas dépassé les limites admissibles de la liberté d’expression. En effet, ils expriment une opinion critique, sur un sujet d’intérêt général, sans que la question de la qualité de candidat aux élections n’influence la solution du litige.
La Cour de cassation a alors rejeté le pourvoi.
Joseph Vnuk
M2 DEDH