Le maintien de l’incitation financière au concours du préfet pour l’évaluation des mineurs non accompagnés
(Conseil d'Etat, 4 février 2022, n° 443125)
Le département de la Seine-Saint-Denis a formé un recours en excès de pouvoir pour obtenir l’annulation du décret n° 2020-768 du 23 juin 2020 modifiant les modalités de l’aide forfaitaire de l'Etat à la mise à l’abri et à l’évaluation de la situation des personnes se déclarant mineures et privées de la protection de leur famille. Il demande également, à titre subsidiaire, de faire déclarer que ledit décret n’oblige pas les départements, après signature de la convention visée à l’article R. 221-12 du Code de l’action sociale et des familles, à solliciter l’aide du préfet, ni à mettre en place le traitement automatisé de données personnelles nommé « appui à l’évaluation de la minorité » (AEM).
En vertu de la compétence des départements en matière d’aide sociale à l’enfance et de protection des mineurs en danger, il incombe au président du conseil départemental de vérifier le respect des conditions légales pour obtenir cette protection, notamment la minorité. Celui-ci peut, à ce titre, solliciter l’aide du préfet pour son examen. Or, l’article 1er du décret litigieux incite financièrement les départements à conclure une convention avec l’Etat afin de fixer les modalités de coordination de leurs services respectifs dans le cas où le président du conseil départemental demande l’assistance du préfet. Toutefois, l’article n’oblige en rien ni cette assistance ni la signature de la convention, et ne modifie pas les compétences du département en la matière. Le président du conseil départemental n’est pas contraint de transmettre des informations pour l’AEM. Dès lors, le Conseil d’Etat écarte les moyens selon lesquels le décret d’une part empiéterait sur la compétence du législateur pour déterminer les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales, au regard de l’article 34, treizième alinéa, de la Constitution, et d’autre part ne respecterait pas les articles L. 112-3, L. 223-2 et L. 226-3 du Code de l’action sociale et des familles.
De surcroît, il ne ressort pas du dossier que, en l’absence de la signature de la convention, les charges pesant sur les départements seraient de nature à dénaturer le principe de libre administration des collectivités territoriales, garanti par l’article 72 de la Constitution.
Enfin, l'article 12 de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, et modifiant l’article L. 226-3 du Code de l’action sociale et des familles, n’a pas élargi le champ des bénéficiaires de l’aide sociale à l’enfance, ni créé une nouvelle prestation sociale. Aucun transfert ni aucune extension de compétences n’ont été effectués par le législateur. Ce dernier n’est donc pas obligé, contrairement à ce que soutiennent les requérants, d’octroyer des ressources aux départements pour l’évaluation des personnes se déclarant mineures et privées de la protection de leur famille, au regard de l’article 72-2, quatrième alinéa, de la Constitution. Par conséquent, le décret n’est pas intervenu dans le domaine législatif et ne contredit aucune disposition législative. Le Premier ministre pouvait légitimement instaurer un régime d’aide financière de l’Etat aux départements pour l’exercice de leurs compétences. Le décret attaqué a bien été pris par une autorité compétente.
En conclusion, la Haute juridiction administrative rejette les conclusions tendant à l’annulation du décret du 23 juin 2020 et également celles tenant à la modification de la convention-type prévue à l’article R. 221-12 du Code de l’action sociale et des familles.
Par Camille CHOQUET (M1 Droit européen des droits de l’Homme)